Par Fernando Rosales
L’auteur est coordinateur du programme Développement durable et changement climatique (SDCC) du South Centre.
GENÈVE (IDN) — Les ODD (Objectifs de développement durable) adoptés en 2015 reflètent le consensus multilatéral pour faire face aux problèmes les plus cruciaux auxquels l’humanité est confrontée aujourd’hui. Les 17 objectifs sont multidimensionnels et sont liés les uns aux autres. En même temps, la crise du changement climatique est la menace la plus sérieuse pour l’humanité et elle s’est aggravée au cours des 30 dernières années. Même si l’ODD 14 concerne spécifiquement « l’action climatique », il est très probable que la crise climatique affectera également la réalisation de nombreux autres ODD.
Il y a plus de 40 ans, lors de la première conférence mondiale sur le climat, la communauté internationale, sur la base de résultats scientifiques, a exprimé « …de sérieuses inquiétudes quant au fait que l’expansion continue des activités de l’homme sur la Terre pourrait entraîner des changements climatiques importants, régionaux et même mondiaux ». Depuis lors, les préoccupations et les problèmes climatiques n’ont cessé de croître dans le monde entier, ce qui a conduit la communauté internationale à adopter la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) en 1992, lors du Sommet de la Terre.
La CCNUCC a établi les principes de base de la coopération internationale, avec des dispositions sur les responsabilités des pays développés et en développement. Historiquement, les pays développés ont compté pour environ 70 % des émissions mondiales de carbone, alors qu’ils ne représentent que 20 % de la population mondiale. La CCNUCC a reconnu que la plus grande part des émissions mondiales historiques et actuelles de gaz à effet de serre provenait des pays développés. Ces pays doivent donc faire face à leurs responsabilités et il est attendu d’eux qu’ils prennent la tête de la lutte contre la crise climatique et qu’ils soutiennent les pays en développement, notamment en leur apportant une aide financière pour qu’ils puissent respecter leurs obligations au titre de la convention.
Cette convention a alors donné naissance à l’Accord de Paris (AP) en 2015 qui établit un objectif mondial visant à « Maintenir l’augmentation de la température moyenne mondiale bien en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et poursuivre les efforts pour limiter l’augmentation de la température à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, en reconnaissant que cela réduirait considérablement les risques et les impacts du changement climatique ». Depuis lors, les pays ont adopté des contributions déterminées au niveau national (CDN) établissant leurs propres objectifs pour atteindre le but mentionné ci-dessus. L’AP stipule que les CDN seront réexaminées tous les cinq ans[1] avec l’espoir que les objectifs soient plus ambitieux à chaque révision.
Malgré ces avancées dans la coopération internationale, celles-ci restent insuffisantes pour lutter contre la crise climatique. Le réchauffement de la planète se poursuit à un rythme sans précédent. Le dernier rapport du GIEC sur le changement climatique, publié en août 2021, a examiné cinq scénarios concernant la probabilité d’atteindre un réchauffement de 1,5 °C dans les 30 prochaines années. Les analyses de cet organisme scientifique ont révélé que, dans chacun des cinq scénarios, le seuil de 1,5 °C sera dépassé au cours des 20 prochaines années (2021-2040).
Malheureusement, toute augmentation du réchauffement climatique aura un impact négatif sur la vie humaine. Selon le GIEC 2018, les effets du changement climatique auront des impacts négatifs sur presque toutes les activités humaines. C’est le cas de la santé, par exemple : certaines maladies à transmission vectorielle, comme le paludisme et la dengue, vont proliférer. Les vagues de chaleur seront plus fréquentes, provoquant davantage de sécheresses et d’inondations, affectant la production agricole, diminuant le rendement des cultures et provoquant des pénuries alimentaires.
La montée du niveau de la mer aura un impact indéniable sur la vie des personnes vivant dans les régions côtières, qui pourraient être submergées au cours des prochaines décennies. Les petites nations insulaires sont particulièrement vulnérables à cet égard. L’Arctique est déjà sur le point de connaître un été sans glace. Lorsque cela aura lieu, cela se reproduira probablement chaque année, ce qui n’est pas arrivé depuis au moins deux millions d’années. De nombreuses espèces d’insectes, de plantes et de vertébrés seront menacées d’extinction. Les conséquences seront bien pires si le seuil de 2 °C est atteint.
La situation ne semble guère prometteuse. L’année 2020 a déjà été l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées : la température moyenne mondiale était de 1,2 °C supérieure à la référence préindustrielle et, avec cette seule augmentation, le monde a connu de graves inondations en Europe occidentale, au Japon, en Chine, des sécheresses en Irak, des chaleurs extrêmes et des incendies de forêt en Amérique du Nord, en Amérique du Sud, en Australie, etc. En mai 2021, l’Organisation météorologique mondiale (OMM) a averti qu’il y avait environ 40 % de chances que la température mondiale moyenne annuelle atteigne temporairement 1,5 °C au-dessus du niveau préindustriel au cours d’au moins une des cinq prochaines années.
Dans ce contexte, la conférence des parties de la CCNUCC n° 26 (COP26) se réunira du 31 octobre au 12 novembre 2021. Les principaux résultats attendus de cette réunion sont des CDN plus ambitieux pour 2030 afin de limiter le réchauffement à 1,5 °C, l’objectif global d’adaptation, le financement du climat, y compris la nécessité de fixer un nouvel objectif collectif quantifié (post-2025) et de finaliser l’article 6 du règlement de Paris.
Les enjeux mentionnées ci-dessus sont d’une importance capitale pour les pays en développement. L’une des questions cruciales qui pourrait permettre aux pays en développement de mieux contribuer à la lutte contre le changement climatique est le financement du climat. Les gouvernements des pays en développement doivent faire face à leurs besoins socio-économiques et à une dette extérieure croissante. La pandémie de COVID-19 a rendu la situation encore plus difficile.
Sans les moyens de mise en œuvre appropriés, ces pays pourraient ne pas être en mesure d’atteindre les objectifs de l’AP. La communauté internationale, et en particulier les pays développés, doivent en tenir compte pour prendre des mesures décisives, conformément à leurs engagements internationaux, afin de soutenir les pays en développement dans leur lutte contre la crise climatique.
Une chose est claire : si l’humanité ne parvient pas à enrayer la crise climatique, il sera très difficile d’atteindre de nombreux objectifs de développement durable d’ici à 2030. Comme expliqué plus haut, la santé sera affectée, ainsi que la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau potable et l’assainissement. Le changement climatique va également accentuer les inégalités, puisque les populations vulnérables sont celles qui souffrent le plus des crises environnementales.
Lors de la COP 26, nous attendons de toutes les parties (en particulier les nations développées) qu’elles travaillent dans le but de trouver des solutions concrètes pour lutter contre la crise climatique, en tenant compte des intérêts et des besoins des pays en développement.
Crédit d’images : CCNUCC | Web Pixabay